M.Cyclopède est de retour. Plus nécessaire que jamais. Et pour cinq minutes au lieu d’une. Pas à la télé, mais à la radio. On l’entendra tous les soirs de la semaine sur France-Inter, juste avant les informations de 19 heures, pour une « chronique de la haine ordinaire », qu’il annonce déjà comme « une longue plainte désenchantée ».
Personne n’est indifférent à l’humour de Pierre Desproges. Mélange d’humour noir, grinçant, et de « non-sens » à la Lewis Carroll. Les gens adoraient ou détestaient « la minute nécessaire de M. Cyclopède », sur FR 3. Elle divisait les Français en deux pire que les Shadoks !d’un côté, « les imbéciles qui aiment, de l’autre, les imbéciles qui détestent », pour citer Desproges, qui était agressé dans la rue ou interrogé sentencieusement sur « l’utilité » de son émission.
En avant-goût à ce festin quotidien, nous avons pu savourer un hors-d’œuvre sur FR 3 lundi soir. Unique invité de Jérôme Garcin à son émission littéraire « boîte aux lettres », Pierre Desproges s’en est donné à cœur joie. Méchant au point de frôler la diffamation il a traité Patrick Sabatier de « mongolien », Maurice Druon de « grenouille » et Julio Iglésias d’ « herpès qui gratte », - il s’est défini « d’abord comme un journaliste de plume », un « écriveur plutôt qu’un écrivain, car ce dernier est à la fois pompeux et trop restrictif ».
Car - on a tendance à l’oublier - Desproges a écrit quatre livres, dont un roman, les Femmes qui tombent. (Il vient de paraître au Seuil). |
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« J’ai toujours graphité dans les coins », raconte-t-il, en reconnaissant une dette à Marcel Aymé, à Alexandre Vialatte, qu’il a « découvert dans des toilettes d’Epinal », et à Kafka, qui avait « un effarement de l’absurde - s’avoue « hystériquement individualiste » - on a passé des extraits de ses succès passés. Deux interviews désopilantes, lorsqu’il était au « Petit Rapporteur » : une avec Françoise Sagan, à qui il demandait « du tilleul, avec des mouillettes », l’autre avec Jean-Edern Hallier, désarçonné pour une fois de se trouver en face de plus fou que lui… Et puis on a entendu des témoignages, tel celui de Jacques Martin, qui l’avait lancé, le qualifiant de « garçon inattendu » promu à un avenir de « grand humoriste, une fois perdue sa méchanceté de surface ».
Méchanceté ? Plutôt un humour à froid, qui déroute, à la Buster Keaton. « J’ai le goût du bide », dito , en rappelant comment il avait « glacé deux mille personnes au Québec ». Lui qui a travaillé à l’Aurore, est-il un humoriste de droite ? « Les deux choses que je hais le plus au monde, répond-il, sont la droite et la gauche. » « De toute façon, conclut-il, qu’on soit de gauche ou de droite, on est toujours hémiplégique ! » Étonnant, non ?
Alain Woodrow
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