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Télérama
24 Novembre 1982
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" Je ne pense pas quon puisse être drôle en étant poli ». Alors Pierre Desproges sen donne à cur joie dans le rire calamiteux, le bide, le calembour navrant et le jeu de mot épouvantable. "
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FR3 DU LUNDI AU VENDREDI
LA MINUTE NECESSAIRE DE M. CYCLOPÈDE 20H30
Cest lui. Cest bien lui. Cest tout lui. Il a lair sinistre et la mine fort longue ; il ressemble trait pour trait à sa légende audiovisuelle. Pierre Desproges, il faut le voir pour le croire.
Tendu de tout son être vers son infernal destin de forçat du comique, il passe, majestueux, imperturbable, funèbre et prophétique à travers tous les genres. On la vu sur scène ; il sest rendu récemment coupable dun opuscule trépidant sur les bonnes murs et surtout il tranche dans le vif, taille en pièces et traîne dans la boue, tous les jours à France-Inter, les heureux prévenus du Tribunal des flagrants délires. Depuis ses exploits du Petit Rapporteur, on avait peu vu Pierre Desproges à la télévision. Ça manquait ! Or, coucou, le revoilou : dans un emploi qui va faire fureur. Monsieur Cyclopède avec sa dérision farouche, son penchant immodéré pour le rire calamiteux, le grotesque, le bide, le calembour navrant et le jeu de mots épouvantable
Ce Monsieur Cyclopède, et sa « minute nécessaire », ont tout ce quil faut pour couper la France en deux, comme au bon vieux temps des Shadoks, et plier en quatre la moitié qui se laissera séduire par ces absurderies.
Quon vous en présente aujourdhui lauteur, Pierre Desproges, un garçon charmant.

- Au fond vous êtes le seul comique inventé par la télévision.
- Vous oubliez Collaro.
- Cest exact mais je le trouvais plus rigolo quand il était au service des sports. Et avant de devenir célèbre grâce au Petit Rapporteur, que faisiez-vous ?
- Jétais journaliste dans la presse écrite, donc je nexistais pas.
- Allons, allons, cest un bien beau métier. Une vocation !
- Je navais aucune vocation. Dailleurs, je nai jamais eu envie de faire quoi que ce soit. Cétait uniquement pour manger. Deux copines mont traîné à LAurore
- Un bon journal !
- Ah ! Oui mon pauvmonsieur ! Ce nest pas le maréchal Pétain qui dirait le contraire. Mais enfin cétait encore un journal à cette époque-là. Et jy ai appris le journalisme à lécole du fait divers qui est la meilleure, cest ce que je dis toujours
- Vous avez tenu plusieurs années une rubrique du chien écrasé insolite qui, avec dix ans de recul, est encore drôle à pisser aux culottes, si je puis me permettre. - Je vous remercie. En fait dans tous les journaux, parmi les centaines de dépêches, on met systématiquement au panier tout ce qui est un peu étrange. Moi je réduisais à quatre lignes lhistoire du type qui avait mangé son vélo en six semaines, devenant ainsi champion du monde des mangeurs de vélos, jajoutais une chute de mon cru et voilà ! Cest à cause de cette rubrique que Jacques Martin ma fait entrer au Petit Rapporteur.
- Et aussitôt vous allez interviewer Françoise Sagan. Vous lui faites surtout compliment de sa jupe tandis quelle se demande à quel demeuré elle a affaire.
- Je ne sais pas si elle a fait semblant de parler à un imbécile ou si elle a vraiment cru que jen étais un, mais il y a eu une espèce de complicité surprenante. Seulement voilà, jétais inconnu et je bénéficiais de leffet de surprise.
Ce fut le drame du Petit Rapporteur : il suffit de passer depuis six semaines à la télé pour être reconnu dans la rue. À partir de là, on ne peut plus faire grand chose.
À propos de Sagan, cest le problème des statues vivantes, des institutions nationales, comme Yves Montand par exemple, auxquelles on na pas le droit de toucher. Je naime pas cette forme desprit crapoteux qui consiste à se moquer des gens en place en prenant bien garde de ne pas leur faire de la peine. On est poli
Mais je ne pense pas quon puisse être drôle en étant poli.
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- Peut-on résister longtemps au plaisir de dire une vacherie bien tournée ?
- Non, on ne peut pas et Les Flagrants délires, où on fait de la corde raide, sont très utiles pour vider son sac.
Mais je ne suis pas méchant. Jessaie seulement de secouer lapathie intellectuelle ambiante en face des idoles, aussi bien Montand que Sheila.
- Sheila a déjà beaucoup souffert.
- Oui, maintenant, ça suffit. Mais lirrespect, lirrévérence, cest irremplaçable.
ON PEUT RIRE DE TOUT
MAIS PAS AVEC TOUT LE MONDE
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- Raymond Devos dit : on na pas le droit de rire du malheur. - Jai lu ça dans Télérama en effet mais je ne suis pas daccord. Je crois quon a le droit de rire de tout. Mais rire avec tout le monde, ça, peut-être pas. Dans mon réquisitoire dun récent Flagrant délire consacré à Jean-Marie Le Pen, je disais que la compagnie dun stalinien pratiquant me met rarement en joie et que la présence à mes côtés dun militant dextrême-droite assombrit couramment ma jovialité monacale. Le rire est un exutoire et je ne comprends pas quon dise quil ne faut pas rire de ce qui fait mal. Ça fait moins mal quand on a ri. À la fin de lété quelquun que jaimais énormément est mort dun cancer comme Yves Montand, ce sont des choses dont il faut rire. Moi quand je parle du cancer, je parle de mes proches, pas des proches dautrui.
- Dans Les Flagrants délires, vous avez un costume fort seyant. Le gardez-vous pour la minute de Monsieur Cyclopède ?
- Non, jen ai trouvé un autre. Un très beau smoking avec une fleur à la boutonnière. Parce que le nez rouge, luniforme de clown, jai horreur de ça. Et puis Cyclopède est une espèce de savant très conscient de sa supériorité ; un bel homme aussi ; enfin moi quoi ! Il lui faut donc un costume à sa mesure. Dautant plus que cest un homme qui détient la vérité.
- Cest si rare de nos jours.
- Eh oui ! Il est dailleurs le seul sur les trois chaînes de télévision. Cyclopède est compétent en toute matière : politique, culinaire, gymnastique, littéraire
Je ne vais tout de même pas vous les raconter tous.
Sachez seulement que Cyclopède vous explique comment rendre hommage à Victor Hugo sans bouger les oreilles. Comment insonoriser une Andalouse à proximité des cimetières et des hôpitaux. Comment rentabiliser une Paimpolaise dont le mari gît par cent mille mètres de fond avec un poulpe sur la tête.
TUYAU DE POELE ET
TOILE À MATELAS
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- Rien que des choses utiles, en somme. - Absolument. Et Cyclopède est assisté par une jeune comédienne extraordinaire, Dominique Valadié. Elle sait tout faire. Par exemple, être belle ou bien être laide à volonté. Je nai jamais vu ça !
- Une pitrerie dune minute et demie à 20h33 cest-à-dire à lheure de la pub sur les autres chaînes, cest risqué non ?
- Jai deux filles de cinq et sept ans. Je suis donc bien placé pour savoir que ce ne sera pas facile. Ils abandonneraient tout pour la pub, ces petits monstres, si on les laissait faire. Mais il nest pas impossible que Cyclopède plaise aussi aux mômes.
- Mais les jeux de mots, les calembours sont des jeux dadultes.
- Ça dépend. Les enfants sont musiciens et dans les jeux de mots, il y a des rythmes, des musiques auxquels ils sont sensibles. Cela dit, les calembours, non seulement je nen fais pas une profession ni un titre de gloire, mais il marrive den avoir honte, carrément. Jai le sentiment den abuser quand je nai pas didées.
Victor Hugo a dit, je crois, que les calembours étaient les pets de lesprit et effectivement on a tous besoin de péter un jour ou lautre. Et puis quest-ce quun alexandrin sinon un jeu de mots ? Quand cest du Jean Genet, cest beau ; quand cest Hugo, Musset, Vigny, cest dramatique. Mais de toute façon, il faut que ça rime. Et tuyau de poêle et toile à matelas cest aussi de la musique
On peut toujours faire des calembours mais à la condition dêtre le premier à sen moquer.
Propos recueillis par Jacques Marquis
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Émission de P. Desproges. Réalisation : J.-L. Fournier.
«Depuis la disparition des « Shadoks », dit-il, je rêvais secrètement de produire une émissionnette en lieu et place des susnommés, dont lambition serait de déchaîner un minimum dhilarité chez mes contemporains boursouflés dangoisse à lapproche du tiers provisionnel et de la troisième Guerre mondiale.»
Alors voilà, cest fait ! Pierre Desproges revient à la télé sous la défroque chic dun « conseillé pompeux, chafouin, cynique
qui sappellerait Cyclopède pour des raisons qui métonnent moi-même », dit-il encore.
Il est flanqué à sa droite de Jean-Louis Fournier, un réalisateur que « seule la virulence de son hétérosexualité la empêché de demander en mariage » et à sa gauche, épisodiquement, de Dominique Valladié, une jeune comédienne qui gagne à être connue.
Chaque « minute nécessaire » dure une minute et demie et il y en a comme ça vingt-et-une de tournées. Si vous êtes très sages, cest-à- dire si vous adorez, pour les uns, et si vous haïssez, pour les autres, lextravagant Monsieur Cyclopède, il y en aura des milliers dautres. Ah ! la belle vie.
Signalons enfin que ces gâteries ont cours jusquau 19 décembre inclus, y compris les samedis et dimanches. Longue vie, donc, à Monsieur Cyclopède !
Jacques Marquis
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Les programmes en dents de scie grincent un peu des incisives. Non que nous soyons chagrins à tout propos il faut bien reconnaître la difficulté des responsables à établir des grilles équilibrées. Mais aller dun extrême à lautre a un effet de douche écossaise. Nous savons par exemple que « Pelléas et Mélisande », excellente production, a soulevé ici et là quelques remous dinsatisfaction et un rejet sans mélange, 5% découte. Même remarque pour « Phèdre » (9%). La superbe tragédie de lami Jean Racine, elle aussi, eût mérité un « moins funeste sort ». Alain Cuny a été un Thésée comme on voit peu. Le metteur en scène na pas tripatouillé le texte. Ce fut, à bien des égards, une soirée dexception. Hélas, chère Aricie, les chemins de Trézène nemballent plus, passé 20 heures « la cohorte friande de lucarnes salaces. »
Ces constats sont ce quils sont mais ils posent question. Les chaînes et radios à la carte doivent revoir leurs formules. Le dernier rapport de Jean Cluzet auquel a répondu hier Georges Fillioud, relève des chiffres inquiétants.
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La désaffection du public est patente : TF1 et FR3 accusent des chutes daudience importantes. Le taux découte de France-Inter note Cluzet est au-dessus de 15 % et cette station a perdu près de 3 millions dauditeurs. Et pourtant, il ny avait pas Mélisande ou Phèdre en surnombre. On se demande où se trouve la solution. Certains vont disant quils faut davantage de créations et de films de fiction. On les attend. Dautres souhaiteraient plus dallégresse et de rire en maraude, dhumour en balade. Mais les Coco-boys ne se pressent pas aux portillons. Dautant que le genre est casse-nez en diable. Témoin «la minute nécessaire de M. Cyclopède » (FR3). Au détour de lhorloge comtoise un certain Pierre Desproges qui se croit très drôle nous apprend en trois phrases comment faire ronronner une secrétaire trilingue disant les yeux au ciel « la vache, quel pied ! ». Et ça dure une minute. Nécessaire ou pas, cette minute-là nous semble gâchée. Les grands sabots de Desproges sonnent creux Le fade Cyclopède boîte bas
Jean-Georges Samacoftz
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Je tiens à prendre la défense de M. Gainsbourg à propos du billet quil a brûlé et qui a révolté tant de personnes.
Mon mari est ouvrier et cinq cents francs représentent beaucoup pour nous, mais ce geste fait partie des libertés que ce monsieur puisse soffrir.
Quant au fait de voir senvoler cet argent en fumée, ne croyez-vous pas que ce « petit billet » est une goutte deau comparé à ceux gaspillés pour « La minute de M. Cyclopède ». Ça me révolte et cest un scandale car ce nest pas largent de M. Gainsbourg, mais celui de tous les contribuables.
Mme R. Maryse, 51 Reims
Télé Poche du 27 mars 1984
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Une lectrice choquée |
Voilà des années que jachète chaque semaine votre magazine ; chez le marchand de journaux parce que la poste ne le livre pas toujours intact. Je le lis de la première page à la dernière. Je le trouve varié et intéressant, et jusquici javais considéré quil était le meilleur magazine de la famille le trouvant objectif et de bon conseil. Et voilà quà ma grande surprise jy trouve (n°3243 du 6 avril) un article concernant Pierre Desproges. Ne voulant cependant pas être sectaire, jen ai pris connaissance. Dès le premier mot, la première phrase, jétais révoltée : « Dans la vie, clame Desproges, il faut choisir. Comme disait Himmler en quittant Auschwitz pour la Hollande, on ne peut pas être à la fois au four et au moulin ». Ce monsieur na que le blasphème à la bouche, il ne respecte rien. Je suppose quil a dû énormément souffrir dans la vie pour avoir ainsi en lui tant de rancur, mais vous, |
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faites-nous au moins grâce de sa prose la plupart du temps complètement idiote. Je suis âgée, mais jai eu une vie intéressante et bien remplie. Veuve de journaliste, jai après la mort de mon mari fait seize spectacles et ai terminé ma vie active comme secrétaire du docteur Moatti, qui publie actuellement dans votre revue une série darticles. Jai beaucoup voyagé et ne suis nullement intolérante cependant Desproges est plus que je ne peux en supporter. Jévite comme la peste « La minute de Monsieur Cyclopède » à la télé, mais là, il suffit de changer de chaîne. Faudra-t-il changer de revue pour ne plus le voir sur les pages de mon magazine préféré ? Excusez cette diatribe, mais je pense que vos lectrices ont dû avoir en majeure partie la même opinion. Comment les ferventes de Joëlle Rabette, Jacqueline Bus et autres pourraient-elles supporter ce monsieur ?
Mme S.D.,75019 Paris
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