Ce matin de juin, j'écris dans un transat au fond du jardin anglais que le soleil levant caresse voluptueusement pour en essuyer la rosée. À portée de main, sur un guéridon de paille tressée, le thé aux herbes tiédit à la brise. Le bouvreuil effronté, qui m'espionnait hier déjà, sautille et pirouette à trois pas en stridulant des joliesses absconses dont j'appréhende cependant qu'elles veuillent dire :
" Tire-toi de là bonhomme, que je finisse les miettes de ton croissant qui sont tombées dans l'herbe."
Eh bon, comme l'oiseau, j'ai la plume frivole et baladeuse et tendance à papillonner autour du sujet sans m'y soumettre, voire même à m'en écarter carrément.Ce qui est pénible, avec les livre, je veux dire quand on
les écrits, c'est qu'on est plus ou moins poussé à s'en tenir au sujet qu'on prétend traiter. Il faut savoir que cette contrainte est parfois très pénible quand elle s'abat sur un auteur velléitaire par nature, incohérent par goût, et facilement déconnectable par l'imprévu, en l'occurrence ce petit pédé de bouvreuil qui fait rien que frétiller de la queue pour m'empêcher d'aller plus loin.
Dieu merci, quand on se contente de penser au lieu d'écrire, on a parfaitement le droit de sauter du coq à l'âne, sans s'attirer des remarques désobligeantes.
J'aurais dû être dérouleur de pensées plutôt qu'écriveur de bouquins.

Fonds de tiroir

« J’existe quand j’écris. Ce que je fais après, c’est le service après-vente. »
La Tribune du Progrès (Roanne) le 20 mars 1987





Comme disait à peu près Himmler : « Qu’on puisse être à la fois juif et allemand, ça me dépasse. C’est vrai, faut savoir choisir son camp. »
Réquisitoire contre Daniel Cohn-Bendit CD 1

Merci à toi, Georges Guétary, toi le Zorba du glouglou, toi dont l’organe aux accents troublants repris de bouche en bouche par des milliers de boudins transis, a plus fait pour l’extension de l’opérette en France que monsieur Latex pour l’extension de la capote outre-Manche !
Réquisitoire contre Georges Guétary CD 2

Vous vénérez Napoléon parce que vous êtes corse, ce qui constitue à mon sens, la raison la plus totalement incongrue d’aimer Napoléon. Je veux dire que ce n’est pas parce qu’elle est née à Boston que ma sœur vénère l’étrangleur.
Réquisitoire contre José Giovanni CD 3

Qui est Gilbert Trigano ? Que savons-nous vraiment de l'inventeur des parcs à ploucs ?
(…) L'idée de base de l’œuvre grandiose de ce précurseur consiste à faire cuire à feu vif à même le sable, des congés payés pendant trois semaines. Quand les gentils membres sont cuits, on les renvoie dans leur trou après leur avoir arraché les boules, si j'en crois le chef d'accusation…
Réquisitoire contre Gilbert Trigano CD 4

Du pimpant séducteur que j'étais, (…) cette femme a fait de moi un homme brisé, d'autant plus irrémédiablement brisé que personne, hélas, ne pleura jamais ma brisure. (…) ÔÔÔÔÔÔ! Créature diabolique tu as brisé mes illusions ! Oui Claire, tu me les a brisées, oui, Claire, tu me les brises encore, perverse beauté scandinave.
Réquisitoire contre Claire Bretécher CD 5

L’amour il y a ceux qui en parlent et il y a ceux qui le font, à partir de quoi il m’apparaît urgent de me taire.
Réquisitoire contre Gérard Zwang CD 6





Il y a si longtemps maintenant que j'attends mon cancer : je ne vais quand même pas partir sans lui.
Chroniques de la haine ordinaire : « Au voleur » CD1

Je viens de rompre avec Dieu. Je ne l'aime plus.
En amour, on est toujours deux. Un qui s'emmerde et un qui est malheureux.
Depuis quelque temps, Dieu me semblait très malheureux.
Alors, j'ai rompu.
Chroniques de la haine ordinaire : « Rupture » CD 2

Les chevaux sont tous des ongulés. Mais ce n’est pas une raison pour les prendre pour des cons.
Chroniques de la haine ordinaire : « De cheval » CD 3

Même dans les déjeuners plutôt gais, il arrive toujours un moment où un ange passe, Dieu seul sait pourquoi puisque c’est lui qui le fait passer.
Chroniques de la haine ordinaire, « Darius et Pompon » CD 4




« Au début, j’étais un écrivain qui venait dire ses textes. Puis j’ai appris à parler, à respirer, à bouger sur scène. Depuis lors, je méprise beaucoup moins les comédiens. »
Pierre Desproges
VIF/L’EXPRESS-WEEK-END du 29 janvier au 4 février 1988


Si on ne parlait que de ce qu’on a vu, est-ce que les curés parleraient de Dieu ? Est-ce que le Pape parlerait du stérilet de ma belle-sœur ? Est-ce que Giscard parlerait des pauvres ? Est-ce que les communistes parleraient de liberté ? Est-ce que je parlerais des communistes ?
Théâtre Fontaine : « Dernières volontés » CD 1

Pour moi c’est un jour qui a beaucoup compté, ma communion solennelle. C’est le jour où j’ai appris que Dieu fond dans la bouche, pas dans la main.
Théâtre Fontaine : « Dies Irae » CD 1

Comme un teckel trop bas derrière une levrette affolante, je cours en haletant derrière la femme d’esprit.
Théâtre Fontaine : « Ma femme a de l’humour » CD 1

Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin.
Théâtre Fontaine : « Que choisir ? » CD 1

Je suis névrosé et psychotique. Ce sont deux désordres extrêmement perturbant quand ils cohabitent, pour reprendre le cri d’amour du crapaud.
Théâtre Grévin : « Intro » CD 2

Ô ce vertige matinal de la penderie béante sur l’alignement militaire des pelures incertaines aux senteurs naphtalines… Je hais les cintres. Le cintre agresse l’homme par pure cruauté… Le cintre est un loup pour l’homme.
Théâtre Grévin : « Les cintres » CD 2

Il faut être demeuré ou cosmonaute , pour supporter la promiscuité d’un demeuré ou d’un cosmonaute pendant six mois dans l’habitacle exigu d’une cabine spatiale. Je me fais cette réflexion chaque fois que je sors d’un ascenseur à moitié rempli d’un autre être humain.
Théâtre Grévin : « L’ascenseur » CD 2

J’ai envie de tuer quelqu’un.
J’aurai dû en parler à mon psy, finalement j’ai préféré me confier à mon armurier.
Théâtre Grévin : « J’ai envie de tuer quelqu’un » CD 2


Pourquoi êtes-vous toujours aussi bref ?

Je dois ça à ma nature velléitaire et papillonnante. Et puis vous comprenez, je n’ai pas que ça à faire. D’autant que pour cinq minutes de verve, je passe des heures dans les transcendances de l’écriture. C’est du travail. Il ne faut jamais oublier de considérer cet angle-là.
Propos recueillis par Sophie Fontanel
Le Matin 3 février 1986


Vous travaillez beaucoup vos textes ?

Je travaille comme un artisan. Je suis très méticuleux, soigneux, besogneux même. Je pèse chaque phrase, chaque mot et je passe des heures dans les dictionnaires. J’ai des Quillet, des Robert, des Larousse. J’aime bien les dictionnaires.
Et les textes de vos spectacles ?
Encore plus, car il y a le son, la phonie du mot.
Propos recueillis par Jean-Louis Berger et Gilles Brochard
N comme nouvelles (avril 87)

Faut-il être fou pour pratiquer le métier de faire rire ?

C’est une folie qui m’est assez naturelle : tordu, distordu mais pas complètement braque. Quand j’écris ou que je fais de la radio, ce qui doit faire marrer les gens, ce sont mes phrases très clean qui tout d’un coup tombe dans le ravin. Je suis à la fois bordélique, velléitaire et papillonnant, mais je compense ma folie en marchant dans les clous, en étant ponctuel et en collectionnant les dictionnaires.
Libération 3 février 1986

Des projets ?

Je n’en ai pas, je n’en ai jamais eu. (…) Si, la mort. (…) J’ai l’intention néanmoins d’écrire pour les autres. Je verrais bien réunis des gens comme Depardieu et d’autres.
Propos recueillis par R.Floutier
Midi libre 14 janvier 87

Peut-être un jour serais-je étudié dans les universités, à condition d’être mort. Ce qui est arrivé à des gens comme Bobby Lapointe ou Boris Vian, que l’on encense aujourd’hui après les avoir assez ignorés de leur vivant.
Propos recueillis par René Quinson
Télé Moustique ( Bruxelles) 7 avril 83






A partir du 13 novembre


l'Abrégé
Les meilleurs moments des réquisitoires, des chroniques et de la scène sur 3 CDs



Coffret Intégrale
La totalité de son oeuvre enregistrée sur 12 CD:

- 6 CD des "Réquisitoires" dont 2 CD inédits

-4 CD des "Chroniques de la haine ordinaire" dont 2 CD inédits

-2 CD de la scène.

Egalement disponibles à l'unité.



Les bons conseils du Professeur Canevet :
Peut-on reproduire librement un texte de Pierre Desproges ?

Pour commencer, un petit cours de droit. Toute création de l'esprit (un text e, une image, une musique) appartient à son auteur, et ceci dès sa création. Une lettre adressée à votre percepteur ou le gribouillis que vous faites en téléphonant sont donc des oeuvres d'art (si, si), et sont protégées comme telles...
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Dernière Mise à Jour : le 5 novembre 2001
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